Philosophie - La route des Crêtes, la ligne de crête, Louis Ledonne

 

La Route des Crêtes dévoile de nombreux panoramas d’exception : admirez la beauté des paysages et des lacs d’altitude tout en respectant la faune et de la flore fragile.

Cette route a toujours inspiré dans mon esprit un équilibre, un position surplombante mais centrale dans la relation, les sensations que j'éprouve d'abord avec moi-même et puis bien sûr avec  l'autre tans sur le plan affectif que social.

 

Notre culture actuelle reste profondément imprégnée de la conviction aristotélicienne qu’entre le vrai et le faux il n’y a pas  tiers chemin.

Mais il n’en reste pas moins que le principal ouvrage qu’Aristote a consacré à l’éthique constitue un véritable livre du « faîte médian », une sorte de ligne faitière entre deux abimes de la médiocrité.

Le courage ne consiste-t-il pas à se tenir en équilibre, forcément toujours instable et par conséquent dynamique, sur la ligne faitière qui surplombe à la fois la couardise et la témérité ?

 

Selon Stéphane Lupasco, toute action humaine s’inscrit dans trois « dynamiques » : une dynamique homogène, une dynamique hétérogène et une dynamique de la  tension entre l’homogène et l’hétérogène.

 

- la dynamique homogène qui manifeste son emprise dans de nombreuses directions : au plan scientifique, dans la distinction du « vrai » et du « faux » ; au plan moral, dans l’opposition du « bien » et du « mal », au plan politique, lorsqu’ elle provoque et entretient des dérives totalitaires typiques de nos Etats modernes, au plan religieux, dans les doctrines du « salut » et de la « damnation ».

 

Toutes ces dynamiques homogènes ont en commun une logique de l’identité et de la non-contradiction. C'est la logique du "tiers exclu". 

 

- la dynamique hétérogène qui souligne, en revanche, non les traits communs des êtres mais leurs différences. C’est une dynamique de la différenciation. C'est la logique du "tiers inclus".

 

La connexion des deux dynamiques est très étroite car c’est la dynamique homogène qui dans sa propre expansion provoque, par excès et comme à rebours,  son antagonisme hétérogène. Au plan politique, la dynamique hétérogène se développe sous la forme d’une protestation à l’encontre des dérives totalitaires susmentionnées.

 

Nous vivons donc dans une collision frontale entre ces deux dynamiques, tant au plan personnel qu’au plan collectif.

 

Cette collision nous est si pénible à vivre que la plupart du temps nous refusons de nous y tenir. La pensée authentique, la conscience critique et l’exercice de la responsabilité lucide ne sont possibles qu’à la condition de se tenir au cœur même de la tension de ces deux dynamiques en assumant pleinement et sereinement cet antagonisme, en la vivant à l’aide d’une troisième dynamique.

 

Il convient ainsi de ne pas s’enfermer dans l’élimination des conflits, mais tout au contraire de les vivre de façon créative car ils forment la trame de nos vies tant au plan personnel qu’interpersonnel.

 

« Penser », c’est s’aventurer par delà l’opposition de la technique homogène et de l’arbitraire hétérogène ; c’est se tenir dans l’équilibre instable de l’antagonisme entre l’homogénéité rassurante du dogme et l’hétérogénéité effrayante de l’arbitraire. C’est alors se tenir dans un « tiers jeu de langage »[1], qui résulte d’un travail de médiation.

 

C’est savoir passer de la logique du « tiers exclus » à la logique du « tiers inclus ». 

  

Louis Ledonne


[1]  Ludwig Wittgenstein : « le Tractatus logico-philosophicus »

 

 

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