L’auteur propose à chacun d’entre nous de remettre les valeurs morales au centre de nos vies, en n’hésitant pas à les revendiquer haut et fort. C’est à ce prix que l’on pourra construire une société apaisée, soutenue par une meilleure redistribution des richesses.
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J’ai peur. A 65 ans, j’ai peur. Pour moi ? Non. Pour nos enfants et nos petits-enfants.
J’ai peur de la montée des inégalités sociales, des égoïsmes, de la cupidité des riches, des replis identitaires (religieux, nationalistes) et des haines qui rétrécissent nos esprits.
J’ai peur de cette société qui se construit contre l’Homme et son écosystème.
J’ai peur de la barbarie qui pointe à nouveau sa gueule monstrueuse, prête à emporter l’Europe et l’humanité dans un désastre.
Me résigner ? Vivre mes dernières années loin de la boue du monde ? J’y ai songé. Mais je ne peux pas. Que pensera mon petit-fils si je ne tente rien pour lui éviter un monde sans avenir ?
Alors j’ai décidé de crier : « Le partage est le chemin », le seul antidote aux crises, aux semeurs de haine et à la barbarie. Et ce combat dépend de nous.
Mais par où prendre le problème, tant la tâche paraît insurmontable, tentaculaire, mondialisée ? Crise économique, crise sociale, crise climatique, crise de la démocratie, etc.
Où introduire de la solidarité dans nos sociétés pour se donner la possibilité d’inverser la tendance et de redonner confiance en l’avenir à des millions de gens qui ont perdu espoir ? Que demandent-ils ? Une sécurité d’existence pour penser et construire une vie digne d’un être humain, c’est-à-dire une vie qui n’est pas soumise à la peur constante, angoissante et taraudante du lendemain.
Face à ces défis, certains proposent des valeurs morales : de l’indignation, du courage, de l’audace. Il en faut ! Mais il faut surtout une mesure concrète qui inverse cette tendance mortifère pour l’humanité.
Partager.
Partager les richesses créées par le travail des hommes et des femmes.
Oui, mais ce n’est pas encore assez concret.
Il y a une solution qui a fait ses preuves par le passé et qui est une solution d’avenir : la réduction collective du temps de travail (RCTT) à 32 heures semaine, sans perte de salaire. Une semaine de 4 jours. C’est la façon de répartir les richesses créées qui offre le plus d’efficacité économique, sociale, écologique, démocratique et qui redonne un avenir à nos enfants. Chaque adjectif du terme efficacité est pesé et est démontrable.
Cette RCTT est d’autant plus indispensable que des études récentes (par exemple, celle de deux chercheurs de l’université d’Oxford et celle d’ING pour la Belgique) sont alarmistes sur le fait qu’à l’horizon 2030, 47 % des emplois pourront être occupés par des robots et des logiciels capables d’apprendre par eux-mêmes. De toute évidence, ING comme AXA n’auront pas attendu cette échéance pour se séparer de milliers de collaborateurs.
Quand je suis sorti de l’école, au milieu des années 70, on s’alarmait car le nombre de chômeurs en Belgique était passé de 50.000 à 100.000. Aujourd’hui, le sous-emploi réel est plus proche du million de personnes.
Pauvreté et désastre climatique
Depuis le début des années 80, toutes les politiques gouvernementales qui se donnent « l’emploi » pour objectif sont basées sur la diminution du « coût » du travail : blocage des salaires, sauts de l’index, réduction des cotisations patronales, intérêts notionnels, baisse des impôts des multinationales, etc.
C’est un échec évident.
Par contre, pendant cette même période, les actionnaires et les multinationales ont accumulé une part de plus en plus importante des richesses créées, avec cupidité, partout dans le monde, provoquant pauvreté et désastre climatique. Un seul chiffre : 62 personnes possèdent autant que les 3,5 milliards d’humains les plus pauvres. Ce chiffre était de 388, il y a encore 5 ans (étude de l’ONG britannique Oxfam). Une part visible à laquelle il faut ajouter une autre cachée dans les paradis fiscaux. Ces mois-ci, les Panama Papers et autres Bahamas Leaks démontrent une fois de plus l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscale organisées en faveur des grandes fortunes et des multinationales.
C’est aux actionnaires de payer la RCTT car ils ont profité de ces 35 années de crise et continuent à prospérer au détriment de la collectivité.
J’en suis convaincu. L’emploi, un emploi pour chacun, est le point d’appui, le levier solidaire du changement qui redonnera à chacun la confiance existentielle en l’avenir. Condition pour affronter plus sereinement les autres crises indiscutables et urgentes : crise économique, crise écologique, crise migratoire, crise démographique, crise de la démocratie, etc. Mes propos sur la RCTT doivent certes être affinés – je le sais – de ces nuances qui enrichissent la solution et non qui l’enterrent.
Les adversaires du partage sont forts, forts de nos divisions. Soyons unis et ils seront faibles. A chacun de prendre sa part dans la même direction. Et avec détermination, crions-le : « Le partage est notre choix. »
Sinon…
(1) Pour approfondir cette question, je vous conseille vivement la lecture de l’excellente brochure du CEPAG sur la RCTT : « La semaine de 4 jours en 32h ». Elle peut être obtenue sur simple demande : cepag@cepag.be – 081/26 51 56
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