Le terme utopie peut jouer des ambiguïtés de sa construction grecque : il signifie, selon les auteurs, d’un non lieu (u-topos) et d’un lieu d’un bonheur (outopos) ; d’où sa potentialité critique qui peut se traduire ainsi : Penser le bonheur autrement, dans un lieu qui n’est pas celui du temps présent mais qui pourrait avoir lieu dans autre temps »
Face à une succession de crises dont nous voyons chaque jour des manifestations et des effets, nous sommes à la fois déconcertés et anxieux.
Notre défi sera alors de redécouvrir une nouvelle période axiale, au sens où Hannah Arendt l’entendait, qui refixe pour les hommes une cohérence, un cadre, une identité à la fois collective dans sa communauté mais singulière par rapport à d’autres ensembles et un axe, un but, des projets, une nouvelle vision basée sur une liberté plus vraie d’entreprendre et une participation plus accrue à la vie citoyenne dans toutes ses sphères d’activités. Ce seront pour les hommes, les citoyens de nouveaux repères, de nouveaux dé s d’humanité à réaliser.
Et c’est à ce niveau de désarroi et de complexité que nous tâcherons de démontrer clairement que l’apport de nouvelles formes d’organisations sociétales basées sur la Société civile et de nouvelles formes d’économie plus qualitatives pourraient prendre le relais et jouer un rôle de symbiose et de cohésion entre tous les acteurs de la planète.
Louis Ledonne - Entre culture et politique
Si les êtres humains ont tous les mêmes droits, c'est qu'au dessus des droits définis par une participation active à la vie politique, sociale ou culturelle, qui
sont par définition des droits particuliers, il existe des droits fondamentaux partagés qui correspondent à la capacité des êtres humains de créer et de transformer non seulement leur
environnement mais eux-mêmes et l'interprétation qu'ils donnent de leurs pratiques . . .
« Il n'y a de politique que si nous acceptons la possibilité de réunir des gens différents dans une entité qui les englobe, donc une entité dans laquelle leur
diversité soit, certes, tenue pour légitime et préservée, mais aussi relativisée ou subordonnée à d'autres fins et d'autres valeurs, ce qui suppose que ces gens puissent reconnaître la force
morale du lien qui les unit » . . .
Louis Ledonne
Si la langue peut penser à notre place, c'est en effet qu'elle n'est pas un simple outil neutre de communication.
Elle est en elle même le véhicule plus ou moins conscient d'une pensée, d'une vision du monde, éventuellement d'une idéologie, qui s'inscrivent prioritairement dans les mots eux-mêmes et s'imposent ainsi bien souvent aux locuteurs de cette langue. . .
Le principal problème que posent tous ces mots, locutions et autres formules est évidemment qu'ils ne sont pas neutres et qu'avec leur insertion dans le langage commun s'imposent aussi des pensées. Car tous ces néologismes ont une charge sémantique forte, c'est à dire qu'ils disent toujours "plus qu'ils ne disent" et qu'à travers leur usage c'est bien une certaine lecture de la réalité qui tend à s'imposer . . .
Non seulement ces mots du jargon ne sont pas nombreux, mais ils viennent rarement seuls. Ils apparaissent dans un texte par "grappes", comme s'ils s'appelaient naturellement les uns l'autre, ce qui semble confirmer qu'ils constituent bien les briques d'un même discours idéologique . . .
Nous nous laissons souvent porter par ces termes indéfinis, ces concepts plus ou moins maîtrisés qui finissent par penser pour nous.
Notre monde libéralisé et économiste à outrance a fait du mouvement perpétuel un impératif universel.
Si la vie est un progrès constant, il faut s'y adapter en permanence et tout ce qui ne se transforme pas doit disparaître. Faut-il accepter que tout change autour de nous, qu'il faille impérativement suivre le rythme des mutations d'un monde devenu de plus en plus complexe ?
Cette crise, que nous traversons collectivement, trouve sa source dans une généalogie très ancienne, celle de notre rapport à l'idée même de mouvement telle qu'elle a été théorisée dans l'Antiquité. Puis, au siècle des lumières, avec l'influence prégnante de la raison et du droit, en concomitance avec des sciences en pleine émergence. Enfin, à l'époque moderne, quand ce mouvement a donné lieu à un sentiment diffus, de plus en plus oppressant, d'un retard dans toutes les stases composantes de nos sociétés par rapport à leur environnement et sur leur avenir.