Philosophie - Un universalisme singulier avec Edward Saïd, Louis Ledonne

 

L'œuvre de l'Orientaliste Edward Saïd ne pourrait-elle pas jeter un pont entre deux cultures que bien souvent l'on oppose. Elle mériterait d'être relue et méditée : "l'Orientalisme", "D'un Orient à l'autre".

Edward Saïd est un universitaire, théoricien littéraire et critique palestino-américain. Il a enseigné, de 1963 jusqu'à sa mort en 2003, la littérature anglaise et la littérature comparée à l'université Columbia de New York.

 

L’exilé ne se sent à sa place ni dans sa terre natale, ni dans son pays d’accueil. Or le sentiment qu’il éprouve de ne pouvoir habiter nulle part est aussi une chance, intellectuellement. Car l’exilé perçoit naturellement toutes les choses dans une perspective à la fois comparatiste et historique. D’une part, il analyse chaque évènement d’un point de vue double ; d’autre part, plutôt que de prendre les évènements ou les discours comme des données, il cherche à savoir comment ces derniers ont été construits.

 

S’il y a dans l’œuvre de Saïd un souci de l’universel, il faut distinguer entre l’universalisme d’usurpation et l’universalisme véritable. L’universel usurpé correspond à un ordre local et relatif qui a réussi à prendre le dessus sur d’autres ordres locaux en raison de circonstances historiques déterminées.

 

L’universalisme d’usurpation est impérialiste et idéologique et ne recouvre aucune réalité. Il reflète simplement un rapport de force ou, pour reprendre les termes de Farhad Khosrokhavar auxquels Saïd aurait certainement souscrit, un « communautarisme majoritaire exacerbé ».

 

Cependant Edward Saïd évite de tomber dans le piège qui consisterait à opposer à cette conception occidentale de l’universel une conception symétrique, orientale ou tiers-mondiste, de cet universel. À l’universel totalisant et essentialisant, Saïd oppose un universel défini comme interdépendance, comme nécessité.

L’universel chez Saïd ne désigne pas une transcendance, un devoir-être ou un idéal humain que certaines communautés ou peuples n’auraient pas encore atteint. L’universel se lit dans la transversalité des rapports entre les peuples et dans l’interdépendance des écritures de leurs histoires respectives.

 

L’universalisme, explique Saïd, n’est pas une idéologie, mais la donnée de base d’une époque où les hommes peuvent de moins en moins espérer vivre de façon autonome, dans un espace clos.

 

La seule vérité qui compte aux yeux d’Edward Saïd, c’est celle qui se cache dans les objets hybrides, composites, dans les détails et la nuance. Chercher la vérité, c’est prendre au sérieux l’existence de réseaux multiples entre les hommes et les objets, c’est chercher à comprendre ces constructions relatives et interdépendantes.

 

L’œuvre de Saïd met en évidence le caractère construit des vérités historiques, la nécessaire superposition des strates identitaires à l’intérieur d’un peuple, l’interdépendance entre les peuples, l’hybridation des cultures et des identités, l’errance des générations à venir.

 

En ce sens-là, la pensée de Saïd va dans le sens d’un dépassement de la perspective de la modernité humaniste et occidentale.

 

 

 

 

 

 

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