Philosophie - La fonction de diagnostic d’une « Assemblée citoyenne », Louis Ledonne

Comment prendre en compte ou, du moins, canaliser cette exaspération permanente et bien souvent justifiée des citoyens qui rend impossible l’exercice du pouvoir ? Si l’on écarte la tentation de la démagogie, notre conviction est que l’on ne peut répondre à l’exaspération des citoyens que par une modification de la Constitution ou de nouvelles lois prenant en compte leurs aspirations mais sur base d’une nouvelle méthodologie.

 

Cette nouvelle pratique institutionnelle repose d’abord sur la prise en compte d’une réalité dérangeante mais absolument incontournable. L’onction du suffrage universel comme les pouvoirs forts qui lui sont conférés par les textes ne suffisent plus à assurer la force de gouverner au couple exécutif. Sur tous les sujets, le pouvoir est désormais soumis à des pressions continues qui exigent de lui des réponses immédiates qu’il ne veut et ne peut évidemment pas toutes satisfaire (pressions émanant des médias qui sont le reflet de tendances politiques, mais aussi des réseaux sociaux qui amalgament des opinions bien souvent irréfléchies et générées sous le coup de l’émotion). Ne sachant plus faire le tri des revendications, il cède non pas lorsque c’est juste, mais lorsqu’il n’a plus les moyens de tenir. L’autre façon de s’en tirer, sinon de donner le change, est de multiplier les « plans com » en tentant de surfer sur l’actualité.

 

Il s’agit de bien plus que d’une méthode pour réformer. Il nous faut en effet réapprendre à débattre pour construire un projet et obtenir l’adhésion des citoyens. Car au point de contestation où nous sommes, les gouvernants ne peuvent plus tenir leur légitimité pour acquise. Désormais, celle-ci est à reconquérir année après année par l’exercice efficace du pouvoir. Dans notre démocratie qui tourne à vide, nous devons reconstruire un dispositif qui nous permette, au-delà de nos divisions qui sont à la fois naturelles et indispensables,  de nous projeter collectivement dans l’avenir. En un mot, il faut revenir au fondement du contrat social (Jean-Jacques Rousseau) qui ne se réduit pas à un simple contrat de gouvernement mais à un contrat en deux temps, dont le premier temps est l’association entre des citoyens qui se reconnaissent comme des individus libres et égaux, ayant la volonté de vivre ensemble et de construire en commun.  Sans cette citoyenneté de base, le contrat politique est hors-sol, découpé de la société.

 

Mais comment agir dans la durée ? Que faire une fois passée cette impulsion initiale ? Car nous avons besoin d’une stratégie claire pour reprendre en main notre destin et ne plus laisser le débat public filer au gré des événements subis.

C’est tout l’objet du pacte tenu après délibération d’une « Assemblée citoyenne » que nous proposons. Dans ce pacte, la force de gouverner résulte non pas de nouveaux textes, mais d’une nouvelle pratique institutionnelle qui doit nous permettre de sortir de la confusion actuelle : en nous redonnant la maîtrise du temps, en précisant les objectifs poursuivis, en redéfinissant, enfin, le rôle de chacun.

 

Cette assemblée se veut porteuse d’une demande collective non partisane, non dogmatique et a comme prétention de garantir une action efficace car suivie dans le temps. Son objectif est de rendre confiance aux citoyens en solidarisant leurs actions vers une visée qui les transcende : un modèle de société basé sur le bien commun, la recherche de plus de justice sociale, la dignité et la considération de tout un chacun.

  

Ainsi une nouvelle grille de lecture est indispensable permettant de restaurer la légitimité de l’Etat en s’appuyant non plus sur des symptômes brouillés (opinions polarisées - tribalisées,   revendications corporatistes, brouillages médiatiques) mais sur de vrais diagnostics. Ce qu’il faut, c’est construire une protection qui permette à l’exécutif d’agir non plus sous la contrainte des pressions ou dans l’urgence mais lorsqu’il le souhaite et que le moment est favorable. En un mot, lui redonner la maîtrise du temps et la poursuite d’objectifs liés aux vraies préoccupations citoyennes.

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